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Une intéressante publication de Frontier (Woods-Ballard, Rix & Fanning, 2005) donne l'occasion de revenir sur un petit marais à mangrove isolé et peu connu, situé à une latitude subtropicale : celui de Mangoro que l'on aurait pu appeler Andrangy. Il avait donné lieu à une première description (Lebigre, 1990) que nous reprenons presque intégralement ici en y ajoutant quelques commenataires.

 

Sa superficie pose problème.  Selon Woods-Ballard, Rix & Fanning (2005), les mangroves y occuperaient 710 ha ce qui est beaucoup plus que l'évaluation de 1990 : 150 ha de marais. En fait la vérité semble se trouver entre ces deux chiffres : une nouvelle évaluation des surfaces permet d'aboutir à 350 ha de marais dont 200 ha de mangroves (denses ou à palétuviers disséminés) et 150 ha de tannes.

 

La Pointe Mangoro est située le long du littoral mahafaly à une vingtaine de kilomètres au sud de l'embouchure de l'Onilahy. Ce littoral est caractérisé par un long récif frangeant et par une série d'ondulations rythmiques (R. Battistini, 1964 : p. 523) qui lui donnent son aspect crénelé : la Pointe Mangoro est un de ces nombreux saillants. Ce cap présente une série d'alignements N.S. en doigts de gant formés par des grès dunaires karimboliens, séparés par des dépressions qui servent de site au marais. L'ouverture de cette lagune, tournée au nord vers un vaste chenal d'embarcation et l'île Nosy Satrana, la met à l'abri des vents souvent violents et des houles dominantes du sud. Le vert intense de la mangrove s'oppose à la teinte claire des tannes et au gris verdâtre du bush à Euphorbia stenoclada et Zygophyllum depauperatum ponctué de grosses termitières. En 2009, la pression démographique semble aussi faible que dans les années 90 : là comme ailleurs, la présence de bétail et la coupe de quelques palétuviers ne peut expliquer la tannification, phénomène liée à l'action combinée de la sédimentation et des longues saisons sèches. Cela dit, cette pression risque de brutalement s'exprimer un jour par des destructions majeures.

 

Le marais de Mangoro présente donc des tannes de grande surface. Cela n'a rien d'étonnant : cette région est la plus sèche de Madagascar (310 mm de précipitations annuelles à Anakao) et les grès karimboliens constituent une  plaine littorale complètement aréique. Dans ces conditions c'est l'existence même de la mangrove qui pourrait étonner. Les mesures de conductivité de l'eau des chenaux faites en fin de saison sèche montrent que celle-ci est sensiblement supérieure à celle de l'eau de mer. Nous sommes enclins à penser que pendant l'été austral des sous-écoulements d'eau douce aboutissent au marais. Sans eux, il semble bien difficile d'expliquer  la présence de Bruguiera gymnorrhiza en contrebas des talus qui limitent le marais... sauf à remettre en question les aptitudes de ce palétuvier à une salinité normalement inférieure à celle de l'eau de mer. Woods-Ballard, Rix & Fanning (2005) pensent au contraire qu'en l'absence de preuves de sourcins d'eau douce (la population villageoise n'en a mis aucun en évidence), les seules eaux de pluie suffisent à expliquer la présence de la mangrove.

 

Le secteur occidental du marais est séparé de la mer par une étroit cordon de sables karimboliens et par des dunes (l'une d'elle est surmontée par une borne géodésique de l'I.G.N. mise en place en 1930) d'où l'on a un beau panorama sur la mangrove. Partout le substrat est formé de sables coralliens déposés par le vent et qui tendent à colmater la lagune. Le long des chenaux, très peu profonds, dominent des Rhizophora mucronata de taille médiocre (3 à 4 m). Mais en fait l'essentiel de la mangrove est formé d'Avicennia marina aux gros troncs blanchâtres et aux nombreuses branches mortes caractéristiques de vieux  peuplements en voie de disparition. Le peuplement est très lâche vers l'extérieur et le sol, rarement inondé, est couvert de Salicornia pachystachya et accessoirement de Sesuvium portulacastrum. Un tanne herbeux à Salicornia, à Salsola littoralis puis à Sclerodactylon macrostachyum (en limite du bush) succède à la mangrove là où le marais est large; tandis que là où le talus qui limite le marais est peu éloigné du chenal, Bruguiera (des individus très vigoureux) succède à Avicennia. Le sol est alors couvert de Sesuvium et d'Arthrocnemum indicum, et jonché de débris d'oeufs d'Aepyornis provenant des dunes karimboliennes ou flandriennes.

 

Le secteur oriental du marais s'individualise par la présence de Ceriops tagal dans la zonation et par des peuplements de Rhizophora plus vigoureux et plus hauts (8 à 10 m) le long de chenaux un peu plus profonds. On les parcourt à pied sans difficulté à marée basse ou à marée moyenne : l'eau y est claire et leur fond est sableux, de même que l'est toute la surface du marais. La très forte densité et la taille exceptionnelle des Terebralia palustris sur la basse-slikke et sous les palétuviers peuvent certainement  s'expliquer par le fait que les sables, essentiellement coralliens, sont très riches en calcaire. On peut d'ailleurs voir des croûtes calcaires en formation à la surface des tannes.

 

Références :

Lebigre, J.M., 1990.- Les marais maritimes du Gabon et de Madagascar, contribution géographique à  l'étude d'un milieu naturel tropical. Université de Bordeaux 3, thèse de doctorat d'Etat, 3 livres, 194 fig.   

Woods-Ballard, A.J., Rix, C.E., & Fanning, E. (dir.), 2005.- Mangrove biodiversity survey south of the Onilahy River: Lavadanora, Lovokampy and Mangoro systems. Londres, Frontier-Madagascar, Université de Toliara, Environmental Research Report 9, 45 p.

 

MAD Mangoro JML 1988 A

Photo prise en 1988. Au premier plan, le fourré à sténoclades.

MAD-Mangoro

Croquis des marais à mangrove du Mangoro

En bleu lumineux : le récif corallien

En bistre : le fourré xérophile à euphorbes sur dunes

En vert : la mangrove

En jaune : les tannes, souvent encroûtés

En rouge (linéaire) : une piste à charette traversant le marais

MAD Mangoro 2009 GE750m

Image Google Earth, 2009

Tag(s) : #Madagascar
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